Les révélations de l’Environmental Investigation Agency (EIA) et l’Animal Welfare Institute (AWI) coïncident avec l’ouverture de la saison de chasse à la baleine en Norvège, soit une semaine après que le Japon a déclaré avoir tué pour la « recherche » plus de 300 baleines de Minke (plus communément appelées petits rorquals), parmi lesquelles des femelles gestante . Aujourd’hui encore, les organisations appellent à mettre un terme à la chasse à la baleine, mais cette fois c’est la Norvège qui en en ligne de mire. En effet, tout comme l’Islande et le Japon, la Norvège ignore le moratoire de la Commission Baleinière Internationale (CBI) sur la chasse à la baleine, en vigueur depuis 30ans.
Jennifer Lonsdale, directrice de l’Environmental Investigation Agency (EIA), a déclaré à ThinkProgress : «Nous sommes vraiment inquiets de voir cette chasse se poursuivre, et que la Norvège exporte les baleines vers le Japon avec la complicité de l’Islande. Pourquoi un pays riche comme la Norvège continue-t-il à chasser des baleines? » s’interroge-t-elle.
Les organisations ont également rapporté qu’en 2014 plus de 113 tonnes de viande de baleine (l’équivalent d’environ 75 baleines de Minke) ont été utilisées par Rogaland Pelsdyrfôrlaget, le plus grand fabricant d’aliments pour animaux destinés à l’industrie de la fourrure norvégienne.
« La chasse à la baleine est une pratique intrinsèquement cruelle et n’a pas sa place dans une société civilisée», a déclaré Susan Millward, directrice exécutive de AWI dans un communiqué. « Tuer ces animaux sensibles et magnifiques pour nourrir les animaux qui souffrent dans les fermes à fourrure met en évidence les raisons pour lesquelles le monde entier s’oppose à la chasse à la baleine, et démontre clairement que la viande de baleine n’est en aucun cas un besoin légitime pour les Norvégiens. »
Les habitants des côtes norvégiennes pratiquent la chasse à la baleine depuis des siècles, mais les opérations commerciales ciblant le petit rorqual ont seulement commencé au début du 20e siècle. Au cours des derniers siècles, cette chasse (alimentée par la forte demande en viande et en graisse de baleine –transformée en huile de cuisson et en bougies, entre autres) a poussé de multiples espèces de baleine vers l’extinction. Les progrès technologiques comme les réfrigérateurs ont empiré les choses pour les baleines, puisque les navires étaient en mesure d’en chasser davantage et plus loin des côtes. Dans les années 1960, la Commission Baleinière Internationale (CBI) a tenté de réguler cette chasse commerciale avec un succès limité, jusqu’à ce qu’elle adopte en 1982 un moratoire avec une mise en place progressive sur une période de quatre ans.
La Norvège a toutefois contesté ce moratoire de 1982 et elle n’est « plus légalement soumise au quota zéro », comme le ministre conseiller à l’ambassade de Norvège à Washington, Jon-Åge Øyslebø, l’a annoncé à ThinkProgress. Selon lui, le stock de petits rorquals est « abondant » en Atlantique nord-est, et les quotas se basent sur des modèles développés par la Commission Baleinière Internationale.
La Commission n’a pas souhaité répondre à ces commentaires par voie de presse, mais l’agence appelle la Norvège à interrompre toutes les activités de chasse à la baleine sous sa juridiction. La Norvège s’est elle-même fixé un quota de pêche de 880 baleines pour cette saison, un chiffre à la baisse par rapport au quota de 1,286 fixé l’an dernier. Ce chiffre reste bien plus élevé que les 330 baleines capturées par le Japon pour la “recherche”, ce qui démontre la faiblesse des agences internationales qui ont peu de recours face aux gouvernements qui ne se soumettent pas aux traités.
Selon des chiffres recueillis par l’EIA et l’AWI à partir de rapports nationaux provisoires, la Norvège aurait tué plus de baleines en 2 ans que l’Islande et le Japon réunis, avec au moins 1,396 baleines tuées contre un total de 1,018 pour le Japon et l’Islande. De plus, les écologistes affirment que la Norvège a augmenté son exportation des produits contenant de la baleine, en envoyant 172 tonnes métriques de viande et de graisse de baleine vers le Japon depuis 2014.
En Norvège comme au Japon, des rapports montrent que la demande en viande de baleine est sur le déclin. Svein Ove Haugland, le directeur adjoint de la coopérative de vente de produits de la pêche en Norvège (NFSO), a expliqué au journal The Guardian : « Il y a actuellement un goulet d’étranglement au niveau du marché et de la distribution. Il faut rétablir la demande en viande de baleine, soumise à la forte concurrence de la viande (provenant d’animaux terrestres) et du poisson. »
Les écologistes estiment que les contraintes du marché ainsi que la croissance des activités liées au whale-watching* devraient pouvoir dissuader la Norvège de chasser les baleines. Lonsdale estime que la chasse à la baleine n’est pas une activité nécessaire, et qu’avec le changement climatique en cours ainsi que la pollution, la chasse est une menace supplémentaire qui pèse des espèces qui commencent à se rétablir après des siècles d’abus. « Nous devons nous montrer responsables, » conclut-elle.
- Le whale-watching consiste à aller observer des baleines en mer, N.d.T.
Article original écrit par Alejandro Davila Fragoso publié le 1er avril 2016 sur le site thinkprogress.org.
Traduction: Vox Delphini pour l’association « C’est Assez! »
Crédits photos : EIA (baleinier norvégien) / AP photo / Dima Gravysh /